XS puissance 10
XS puissance 10
By: ATournier, Categories: Non classé, 0 comments

Comme pour renverser le primat de la grandeur, voire du gigantisme comme signifiant moderne de  la force, le début des années 2000 a consacré la célèbre formule, désormais déclinée à l’infini,  « Small is Beautiful », tirée de l’ouvrage de l’économiste E.F Schumacher (l’équivalent mondialiste de l’ancêtre « Petit mais costaud » de Pimousse). Miniaturisation électronique et automobile, croissance des commerces de proximité, succès planétaire des mini-superfruits, éloges aux PME (qui viennent de se voir dotées d’une nouvelle plate-forme de recrutement, justement nommée « Small iz Beautiful ») par les responsables politiques, collection Mini par Louis Vuitton… aux icônes herculéennes du progrès se substituent de nouveaux référents qui accompagnent le paradigme du soft power.

Récemment, c’est la microscopie qui est venu bouleverser les règles du jeu publicitaire en imposant l’infiniment petit comme l’une des preuves irréfutable de la puissance. Un procédé certes maintes fois exploité, en particulier dans l’univers du soin / beauté.

 

Souvent commenté, le désormais célèbre spot « Millimeters » d’Audi (2012) constituait un précédent puisqu’il importait l’art de l’ultrazoom dans le domaine automobile. La puissance n’était plus évoquée sous sa dimension monumentale mais plutôt sous son angle « extra-humain », c’est-à-dire en mettant en scène une échelle que l’homme lui-même (en tous cas le consommateur) n’est pas capable de dominer puisqu’il ne peut même pas la percevoir. Elle ne s’impose plus à lui, elle lui échappe.

 

Presqu’au même moment, L’Oréal Paris faisait de même avec le spot Laser X3 : une représentation parfaitement synthétique, un brouillage total des échelles (les rayons et formes peuvent illustrer sans problème une pluie de météorites qui s’abat sur une planète), une vision abstraite donc idéalisée et, au niveau des couleurs, ce halo rouge vif sur fond noir… (cf post : Plus « médical » que la médecine).

 

A quoi peut-on relier ces expressions ? Elles semblent faire écho à des motivations profondes que l’on retrouve sur d’autres marchés pour le moment peu enclins à ce type de théâtralisation :

 

D’un côté, on retrouve un besoin de rassurance par le biais de l’intériorité. Ce que l’on peut tenir au creux de la main, ce que l’on peut ramener à une échelle, sinon perceptible, du moins qui ne nous dépasse pas. Et lorsque ce « petit grain de sable » recèle en lui un tel potentiel, alors à nous la toute-puissance ! Ce pouvoir de l’infiniment petit qui peut effrayer et n’est pas forcément à mettre entre toutes les mains (le spectre de l’eugénisme et de la génétique reproductive) devient grisant lorsqu’il est à la portée des nôtres.

 

Enfin, plus prosaïquement, mais suivant toujours cette relation taille-puissance, il y a la question du détail. Comme l’ont fait de nombreuses marques de luxe (mais ici dans un registre plus technologique qu’artisanal), Audi reprend cette logique imparable du zoom sur la partie pour élargir au tout et en conclure à la perfection. Mais le détail renvoie aussi à la décomposition. Comme l’avait expliqué Deleuze, décomposer le tout en partie isolées c’est peut-être aussi une façon de reprendre le contrôle en démystifiant ce qui s’impose en bloc à soi. On retrouve ce recours à la décomposition et au minuscule dans de nouvelles pratiques culturelles et artistiques : applications de décomposition musicale, de l’image, art fractal, vidéos de décomposition en time lapse postées en masse sur Youtube…

 

Une dialectique de la décomposition qui prend aussi du sens dans un contexte où l’opacité est sans cesse pointée du doigt. Dans le domaine alimentaire bien sûr (malgré l’apparition de nouvelles applications de décryptage comme Shopwise), mais aussi pharmaceutique, politique (la déclaration publique de patrimoine par les ministre du gouvernement Hollande au lendemain de l’affaire Cahuzac), financier (la titrisation et la mise sur le marché de produits « toxiques » intraçables), etc… A l’avenir, la force de persuasion et surtout de rassurance des gros pourrait ainsi résider dans leur capacité à mobiliser le (très) petit.

 

Crédit photo: Milosz1

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